24 janvier 2022

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Marc-Antoine LEDIEU

Marc-Antoine LEDIEU – Avocat et RSSI

#374 qui est propriétaire du logiciel: l’employeur ? le salarié ?

#374 qui est propriétaire du logiciel: l’employeur ? le salarié ?

#374 qui est propriétaire du logiciel: l'employeur ? le salarié ?

Pourquoi s’intéresser au problème « qui est propriétaire d’un logiciel » en 2022 ? [mise à jour du 3 février 2022] 

Parce que – manifestement – certain(e)s salarié(e)s ne connaissent pas très bien les principes applicables à leur contrat de travail (pourtant très, très clair sur ce point… pas de nom…).

Pour un juriste, la question serait « votre entreprise est-elle titulaire des droits de propriété intellectuelle sur son logiciel ? » .

Pour une entreprise, en langue d’aujourd’hui, la question serait « suis-je propriétaire de ma techno ? » .

Quelle que soit la manière dont vous formulez la question, il est nécessaire avant toute commercialisation d’un logiciel « on premises » ou d’un service logiciel en mode SaaS, de vérifier sérieusement, que l’entreprise qui commercialise est effectivement titulaire des droits d’auteur sur le soft.

Présentation pratique (et en BD) du problème et de ses solutions.

Si vous souhaitez creuser l’aspect juridique de la protection du logiciel en VIDEO+BD, cliquez sur ce lien.

qui est propriétaire d’un logiciel : l'intro (en image)

qui est propriétaire d’un logiciel : l'employeur ? le/la salarié(e) ? le prestataire développeur ? voyons les PRINCIPES et les EXCEPTIONS en droit de la propriété intellectuelle

C’est une particularité du droit français : ne peut être « auteur » d’un logiciel qu’une personne physique ! Une entreprise ne peut être que « titulaire des droits d’auteur » !!! Ne cherchez pas, la raison de cette complexité est historique et philosophique…

Si l’on se cantonne à ce seul principe, les entreprises auront du mal à encadrer juridiquement la commercialisation des droits sur leur « techno ».

Heureusement, grâce à la Directive UE de 1991, codifiée le 23 avril 2009, il est tout à fait possible pour une entreprise d’affirmer être titulaire des droits de propriété intellectuelle sur un logiciel.

Le/la salarié(e) transfère automatiquement ses droits d’auteur à l’employeur

Le principe à retenir : lorsque un salarié développe un logiciel dans le cadre de son contrat de travail (sous la direction de l’employeur et avec les moyens techniques mis à disposition par ce dernier), les droits de propriété sur le logiciel sont automatiquement transférés au profit de l’employeur.

Reprenons le texte même de l’article L.113-9 CPI :

« Sauf dispositions statutaires ou stipulations contraires, les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation créés par un ou plusieurs employés dans l’exercice de leurs fonctions ou d’après les instructions de leur employeur sont dévolus à l’employeur qui est seul habilité à les exercer. »

Ce principe (en réalité une exception aux principes généraux du droit d’auteur) assez favorable aux employeurs fait qu’il existe très peu de contrat de travail dans lesquels l’employeur accorde un droit dérogatoire au profit de ses salarié(e)s.

En revanche, le contrat de travail peut tout à fait rappeler ces règles légales. C’est aujourd’hui très souvent le cas des contrats de travail proposés par les entreprises « tech ».

ATTENTION : si vous êtes développeur et que vous « fabriquez » chez vous, en dehors de vos heures de travail, un logiciel que vous avez conçu sans aucune instruction de votre employeur, ce logiciel vous « appartient » indéniablement à titre personnel. Ce n’est pas moi qui l’affirme, c’est la jurisprudence (Cour d’appel de Chambéry chambre commerciale 26 janvier 2010 n°08/01171).

Evidemment, si vous développez votre soft pendant vos horaires de travail salarié, avec les moyens mis à votre disposition par l’entreprise (matériel, outils logiciels, etc.), la preuve de la titularité des droits au profit du salarié ne manquera pas d’être contestée par l’entreprise…

L’exception du stagiaire

Sur ce point également, nous disposons en France d’une jurisprudence curieuse, quoi qu’assez logique au regard des principes du Code de la propriété intellectuelle.

Le stagiaire n’est pas un salarié (puisqu’il est stagiaire). Alors, l’exception de transfert automatique des droits de propriété intellectuelle du salarié au profit de l’employeur ne s’applique pas.

Pour le dire autrement, le stagiaire qui développe du code dans le cadre de son stage en entreprise est seul titulaire des droits d’auteur sur ce code.

Sauf mention expresse en sens contraire dans sa convention de stage (bonne lecture…).

L’employeur maitre de stage – prudent – veillera à se faire transmettre les droits du stagiaire. Et là, attention à bien appliquer les règles de l’article L.131-3 al. 1 et 3 du Code de la propriété intellectuelle. Car si la cession du logiciel est mal rédigée, l’entreprise maitre de stage ne sera que titulaire d’une licence d’utilisation, à durée indéterminée, et donc révocable à tout moment…

Le cas à part du prestataire développeur

ATTENTION : ce n’est pas parce que votre entreprise commande le développement d’un logiciel à un tiers prestataire que le transfert des droits de propriété intellectuelle sur ce logiciel est automatique. Au contraire.

Le principe veut que celle/celui qui développe est titulaire des droits d’auteur. 

La cession des DPI (délicat acronyme pour « Droits de Propriété Intellectuelle » ) n’est valable que si elle est rédigée conformément à l’article L.131-3 CPI (Code de la Propriété Intellectuelle…). 

Comme le risque de la validité de la cession est porté par le bénéficiaire de la cession, il appartient à celui qui commande un logiciel de veiller à la validité de la cession de droits à son profit.

Cession des DPI et agents de l’Etat (des collectivités territoriales, etc.).

Pour le principe applicable aux agents de l’Etat, je vous renvoie dans le slider ci-dessous qui contient l’ensemble des détails et de la jurisprudence des différentes hypothèses visées ci-dessus.

qui est propriétaire d’un logiciel : la nouveauté du 15 décembre 2021 ???

[mise à jour du 3 février 2022] Merci @ Benoit Barré et @ Anne-Laure Gaudillat  de m’avoir prévenu de l’existence de l’ordonnance n°2012-1658 du 15 décembre 2021 qui ajoute un article L.113-9-1 dans le Code de la propriété intellectuelle. 

ça tient en 1 slide :

 

#374 LOGICIEL qui est propriétaire du logiciel ? EMPLOYEUR ? salarié(e) ? prestataire de développement ? © Ledieu-Avocats 03-02-2022

qui est propriétaire d’un logiciel : alors, vous êtes contrefacteur ? ?

Celle/celui qui ne respecterait pas les principes du Code de la propriété intellectuelle est contrefac/trice/teur…

Ha bon ? La contrefaçon est un délit pénalement sanctionné ? Hé oui…

qui est propriétaire d’un logiciel : l'employeur ? le/la salarié(e) ? le prestataire développeur ? la contrefaçon, la bonne foi, la jurisprudence civile et la jurisprudence pénale...

Que peut faire le client de votre entreprise s’il est accusé de contrefaçon lorsqu’il utilise votre logiciel, après signature d’un contrat de licence en bonne et due forme ?

Il semblerait logique pour ce client de prouver avoir signé un contrat de licence avec le prétendu « titulaire des droits » pour être exonéré de toute poursuite judiciaire civile.

Pourtant, la logique juridique est fort différente. Vous disposez d’une licence d’utilisation sur un logiciel ? Ce logiciel est une contrefaçon des droits d’un tiers ? VOUS ETES CONTREFACTEUR !!!

La bonne nouvelle ? Si vous avez rédigé correctement votre contrat vous permettant de bénéficier d’un droit d’usage sur le logiciel litigieux, vous pouvez contractuellement demander à l’éditeur d’assumer la totalité des conséquences pécuniaires qui viendraient à être mises à votre charge par un tribunal.

Vous pourriez penser que la jurisprudence civile est identique en droit pénal… Et bien NON !!!

Mais le régime de la présomption de contrefaçon est moins rigoureux en droit pénal.

L’entreprise qui bénéficie d’une licence d’utilisation sur un logiciel contrefaisant les droits d’un tiers est effectivement présumée de mauvaise foi. Heureusement, l’entreprise utilisatrice peut renverser cette présomption.

ATTENTION, se limiter à affirmer que vous êtes de bonne foi n’est pas suffisant pour la Cour de cassation

Vous devriez relire votre contrat de licence, non ?

un petit rappel des principes de responsabilité entre EMPLOYEUR et salarié(e) ? L'impact du délit de contrefaçon sur la responsabilité de l'entreprise ?

Encore une mauvaise nouvelle, cette fois-ci pour l’éditeur du logiciel litigieux.

Comme la contrefaçon en France est un délit pénal, c’est donc une faute civile dite « délictuelle ».

Donc ? La clause de limitation de responsabilité ne s’applique pas à un dommage causé par l’utilisation d’un logiciel contrefaisant par le bénéficiaire légitime d’une licence d’utilisation !

La responsabilité de l’éditeur vis-à-vis de son client sera alors illimitée, QUELLE QUE SOIT LA REDACTION DE LA CLAUSE LIMITATIVE DE RESPONSABILITE !!!

Pour le dire en synthèse, l’entreprise qui utilise du code source propriétaire, volontairement ou non (cas du salarié qui ferait un copier/coller de codes source d’un tiers, sans que son employeur le sache, par exemple en ré-utilisant un leak) est contrefacteur…. 

Je vous propose un rappel des règles de responsabilité pénale / délictuelle / contractuelle entre employeur et salarié(e)s ? Oui ? Alors ce sera dans le slider ci-dessous.

qui est propriétaire d’un logiciel ? il est temps de s'arrêter !

Le générique des BD ayant servi d'illustration à cette présentation (merci aux Editions Delcourt / Soleil !)

Vous voulez en savoir plus sur les bandes dessinées utilisées pour illustrer cette présentation ? Cliquez sur le lien qui vous intéresse !!!

« Le Crépuscule des Dieux » 9 tome par Jarry et Djief © éditions Soleil

« Arctica » 11 tomes par Pecqueur et Kovacevic © éditions Delcourt

« Les 5 Terres » 7 tomes par Lewelyn et Lereculey © éditions Delcourt

« La nef des Fous » 11 tomes par Turf © éditions Delcourt

« Au-delà des merveilles » 2 tomes par Yohann « Wyllow » Puaud © éditions Clair de Lune (2 tomes ré-édités et re-colorisés en 2021 

Marc-Antoine Ledieu

Avocat à la cour

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