22 mars 2023

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Marc-Antoine LEDIEU

Marc-Antoine LEDIEU – Avocat et RSSI

#458 droit de l’OSINT #5 data Open Source et preuve judiciaire ?

#458 droit de l’OSINT #5 data Open Source et preuve judiciaire ?

OSINt et preuve judiciaire #457 le droit de l'OSINT #5 data Open Source et preuve judiciaire ? © Ledieu-Avocats 2023

Rappel des épisodes précédents (des fois que vous ayez raté un truc...)

épisode 1 (27 février 2023) : information ? donnée ? OSINT ? de quoi parle-on ?

épisode 2 (2 mars 2023) : le droit d’accès légitime (à des données OSINT) ?

épisode 3 (9 mars 2023) : le droit de copier des data accessible en OSINT ?

épisode 4 (16 mars 2023) : le droit de ré-utiliser des data d’origine OSINT ?

Et voici comment on en arrive à l’épisode 5 pour parler de preuve.

 

L’OSINT regroupe l’ensemble des techniques de recherches et d’analyse d’informations disponibles en source ouverte.

Oui, mais pour quoi faire : pour servir de preuve ?

L’entreprise qui cherche des informations publiques sur une personne (futur(e) collaborateur/trice) ou une entreprise (investisseur potentiel, cible pour rachat) n’a pas besoin de preuve au sens judiciaire du terme.

Cette entreprise souhaite sans doute simplement « savoir » , de manière à permettre à un décideur de… décider, en connaissance de cause : oui je le/la recrute (ou pas), oui, je cède des parts à l’investisseur (ou pas), oui, je lance le processus de rachat de l’entreprise cible (ou pas).

Le décideur, via des informations d’origine OSINT, cherche-t-il la vérité (notion éminemment subjective) ou à prendre une décision « éclairée » , en limitant son risque d’erreur (« prendre la bonne décision » ) ?

Et d’ailleurs, « preuve » , qu’est-ce- que ça veut dire ?


OSINT et preuve en droit pénal

 

Dans le cadre d’une procédure judiciaire pénale, il faut convaincre le juge !

C’est le travail des services de police judiciaire, qui doivent fournir, dans le respect du Code de procédure pénale, des éléments concrets de nature à décider le Procureur ou le Juge d’instruction du bien-fondé des poursuites à partir des incriminations du Code pénal.

 

Les preuves recueillies n’ont qu’un seul objectif : emporter « l’intime conviction » du juge qui instruit l’affaire puis celle du juge du siège (celui qui rend la décision de condamnation).

Ce n’est pas moi qui le dit, c’est le Code de procédure pénale !

 

Pour convaincre un juge d’instruction (ou un Procureur), le Code de procédure pénale nous dit qu’il faut des « indices graves ou concordants » .

Lisez-bien : moi, je ne vois pas le mot « preuve » dans cet article du CPP.


la preuve ? Juge d'instruction et juré(e)s de Cour d'assises, même combat !

Dans la procédure de jugement aux Assises, il est fait devoir au Président d’une Cour d’assises de rappeler aux juré(e)s, avant les délibérations finales « avez-vous une intime conviction ? » .

Vous lirez comme moi que le Code de procédure pénale n’insiste pas franchement sur la notion de « preuve » . Au contraire.


Le (fameux) principe de loyauté de la preuve ?

Contrairement à une idée largement répandue, le Code de procédure pénale ne pose nulle part le principe de loyauté de la preuve.

Je ne fais que citer la jurisprudence :

 

L’hypothèse la plus courante d’une preuve « illicite ou déloyale » est celle d’une conversation enregistrée sans le consentement de la partie enregistrée. Ce défaut de consentement constitue le délit pénal d’atteinte à la vie privée prévu à l’article 226-1 Code pénal.

Mais si cette « preuve » résultant du produit d’un délit pénal peut emporter l’intime conviction du juge, pourquoi des données d’origine OSINT ne le pourraient-elles pas ?

Pourquoi un juge réserverait-il un sort différent à des informations « confidentielles » collectées en OSINT ?

Pourquoi un juge refuserait de prendre en compte les données d’un leak, lui aussi (et par nature) d’origine délictueuse ?

Seule la participation des autorités d’enquêtes à la réalisation d’une preuve déloyale semble limiter l’acceptation d’une preuve d’origine illicite ou déloyale et « porte atteinte au principe du procès équitable » .

Ici encore, je cite la jurisprudence : 


OSINT, preuve, droit pénal et journaliste

Exception à l’exception, « les impératifs de loyauté et de légalité de la preuve ne s’appliquent pas aux journalistes » .

Il appartient là encore au juge de s’interroger sur la « valeur probante » de preuves fournies par un journaliste, que ces preuves soient d’origine OSINT ou non, qui bénéficie de la protection du secret de ses sources (article 109 Code de procédure pénale).


OSINT et preuve en droit civil


Le principe de liberté de la preuve en droit civil

Comme en droit pénal, le principe en droit civil est celui de la liberté de la preuve, qu’il s’agisse de prouver un « fait juridique » ou un « acte juridique » , pour reprendre la distinction du Code civil.

 

Il en va bien plus encore en droit commercial ou toute forme de preuve est admissible à l’égard d’un « commerçant » .

A titre d’exemple, un email suivi du paiement d’une facture peuvent suffire à prouver l’existence d’un contrat commercial (un acte juridique) que les parties n’auraient pas pris la peine d’écrire ni de signer.

D’ailleurs, aujourd’hui encore, de nombreuses professions se dispensent de contrat écrit (commerce de la viande en gros, commerce de l’art (sans jeu de mot), etc.).


Pour bien comprendre la preuve en droit civil, il faut retenir la distinction entre "acte juridique" et "fait juridique"

Pour résumer l’affaire, les « actes juridiques » , ce sont les contrats.

Voyons ce que dit le Code civil.

Nous n’insisterons pas sur la validité juridique de la preuve d’un acte juridique (d’un contrat) que les techniques d’OSINT n’aideront en pratique pas très souvent.

 

En revanche, les techniques d’OSINT peuvent se révéler extrêmement pratiques pour prouver l’existence d’un « fait juridique » .

Voyons maintenant ce que dit le Code civil sur ce que sont les « faits juridiques » :


Vous voulez rendre "vraisemblables" les faits allégués ? La solution du commencement de preuve par écrit...

Tout(e) professionnel(le) de la procédure judiciaire civil vous le dira : la meilleure preuve est celle qui provient d’un écrit.

Cela s’appelle le « commencement de preuve par écrit » , essentiel dans les procédures civiles relatives à un acte.

 

Vous pouvez aussi faire faire des attestations en la forme de l’article 202 du Code de procédure civile, faire témoigner une personne à l’audience, mais pour cela, pas besoin d’OSINT…

Car au final, et ce ne devrait plus être une surprise pour vous, c’est au juge d’apprécier la force probante de ce que vous pourriez considérer comme une « preuve » .


Tant qu'on y est, quelle est la valeur de preuve d'un PV d'huissier ?


OSINT et preuve : une conclusion de bon sens ?

En conclusion sur le problème de la valeur légale (à titre de preuve) d’informations d’origine OSINT :

rien n’interdit en France la recherche d’information en source ouverte pour établir la « vraisemblance » de faits, que ce soit par un professionnel de l’intelligence économique ou par un analyste de CTI, par un juge civil ou pénal.


C'est bon ? vous avez fait le tour du problème ?


Il vous restera un dernier épisode à subir...

Vous pourrez cliquer sur la slide pour atterrir sur le dernier épisode de cette saga en BD consacrée au droit de l’OSINT.

Mais ce ne sera pas avant le 30 mars 2023.


Merci à Sébastien Le Foll et aux éditions Delcourt Soleil pour les illustrations en BD ayant servi pour cette présentation !

Vous voulez en savoir plus sur les bandes dessinées utilisées pour illustrer cette présentation ? Cliquez sur le lien qui vous intéresse !!!

« 5 Terres (Les) » première série complète en 6 tomes par « Lewelyn » (David Chauvel, Andoryss et Patrick Wong) et Jérome Lereculey © éditions Delcourt 2019-2022 – une des plus belles séries en BD avec des animaux humanisés (et une intrigue diabolique)

« Arctica » 12 tomes (dans lesquels ça bastone fort) par Daniel Pecqueur et Boyan Kovačević © éditions Delcourt 2007-2022

« Au-delà des merveilles » série complète en 3 tomes par Yohann « Wyllow » Puaud © éditions Clair de Lune 2004-2022 : c’est « Wyllow » qui m’a fait aimer la réforme du droit des contrat en 2016 avec un univers visuel tout à fait délicieux

« Badlands » série complète (et super sympa) en 3 tomes par Eric Corbeyran et Piotr Kowalski © éditions Soleil 2014-2018

« Carmen mc Callum » 18 tomes (tome 1 par Fred Duval + Olivier Vatine + Fred Blanchard + Stéphane « Gess » et tomes 2 et 3 par Fred Duval et Stéphane « Gess ») © éditions Delcourt 1995-2020 : je suis un inconditionnel de la série depuis 17 ans !

« Crépuscule des Dieux (Le) » série complète en 9 tomes par Nicolas Jarry et Jean-François « Djief » © éditions Soleil 2007-2016 : si vous aimez les légendes nordiques, vous ne serez pas déçu(e) !

« Dernier Troyen (Le) » série culte complète en 6 tomes + 1 intégrale par Valérie Mangin et Thierry Démarez © éditions Soleil 2004-2012

« Excalibur-Chroniques » (époustouflante) série complète en 5 tomes + 1 intégrale par Jean-Luc Istin et Alain Brion © éditions Soleil 2012-2019

« Hercule » série complète (et proprement exceptionnelle) en 3 tomes par Jean-David Morvan + Vivien « Looky » Chauvet + Olivier Thill © éditions Soleil 2012-2017

« Horologiom » série complète (dans un univers graphique aussi unique qu’attachant) en 7 tomes + intégrale en 2 tomes par Stéphane Lebeault © éditions Delcourt 1994-2021

« Neandertal » série complète en 3 tomes par Emmanuel Roudier © éditions Delcourt 2007-2011 : il fallait un vrai talent au dessin comme au scénario pour nous captiver dans une époque aussi lointaine…

« La nef des Fous » 12 tomes + intégrale en 2 tomes + hors série par Bernard « Turf » © éditions Delcourt 1993-2023 – de la pure fantaisie en BD dans un monde de fous !

« Odin » série complète en 2 tomes par Nicolas Jarry et Erwan Seure-Le Bihan © éditions Soleil 2010-2012 : c’est puissant, violent, dramatique : j’ai adoré !!!

« Oeil de la Nuit (L’) » série complète en 3 tomes par Serge Lehman et Stéphane « Gess » © éditions Delcourt 2015-2016 – un véritable chef d’oeuvre par deux génies de la BD !

« Olympus Mons » première série complète en 7 tomes par Christophe Bec (encore lui !) et Stefano Raffaele © éditions Soleil 2017-2022 – juste génial et captivant

« portes de Shamballah (Les) » série complète en 4 tomes par Mazuer + Romano + Taranzano © éditions Clair de Lune 2007-2016 : ça, c’est du complot ! 

« Serpent et la Lance (Le) » série en cours avec déjà 2 tomes publiés par Hub © éditions Delcourt 2019 – 2021 : bienvenu dans l’Empire aztèque en 1454 (c’est une merveille graphique, en plus d’une intrigue captivante)

« Souvenirs de la Grande Armée » série complète en 4 tomes + 1 intégrale par Michel Dufranne et Vladimir « Alexander » © éditions Delcourt 2007-2018. A cheval et vive l’Empereur ! 

« Sur les terres d’Horus » série (tout à fait remarquable) complète en 8 tomes par Isabelle Dethan © éditions Delcourt 2001-2015

« Ténèbres » série complète en 5 tomes par Christophe Bec et Giuseppe « Iko » © éditions Soleil 2009-2018  : de la pure Heroic Fantasy avec des dragons terrifiants

« Universal War One » série complète en 6 tomes (absolument remarquables) par Denis Bajram © éditions Soleil 1998-2006 

« Yiu Premières missions » série complète en 7 tomes qui déchirent + intégrale en 2 tomes par Thierry « Téhy » + Jeanne « JM Vee » + Vincent « Vax » © éditions Soleil 2003-2010

Marc-Antoine Ledieu

Avocat à la cour

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